La différence essentielle entre l’approche de GayLib, et celle autant des jacobins que des gens de gauche, tient à la place de l’individu dans la société. Pour un libéral, chaque citoyen exerce sa liberté de choix dans une République dont il représente l’élément constitutif. Ce qui implique des responsabilités, mais aussi la nécessité d’arbitrages, lorsque par exemple cette liberté est déniée ou non respectée par d’autres membres de la société. Confer la manière dont certains extrémistes homophobes prétendent dénier à d’autres citoyens le privilège de la vie privée. L’Etat est donc au service des citoyens, lorsque son intervention est requise.
En intervenant dans le débat public, GayLib ne fait que rappeler à l’Etat son obligation d’égalité, les engagements pris dans les traités d’Amsterdam et de Nice contre la discrimination, et la nécessité de respecter la vie privée des citoyens.
Pour la gauche, le citoyen n’est pas l’élément constitutif de la société, mais selon sa position sociale, soit une victime, soit un profiteur. Dans les deux cas, le citoyen lui-même a peu d’importance, seule la classe à laquelle il appartient est digne d’intérêt. A partir de cette simplification s’élabore une problématique dans laquelle il s’agit de défendre « les victimes », de « redresser les inégalités », de « rétablir la justice sociale ». Dans notre cas particulier, le fait que chaque citoyen ait déjà le droit de faire ce qu’il veut sous la couette n’a aucun intérêt politique pour les socialistes. Il faut un ensemble de victimes pour désigner ensuite des coupables, et générer un cahier de revendications capable de mobiliser les masses.
L’idée de « progrès social » ne peut ainsi s’exercer qu’au sein d’une certaine misère, en répartissant la pénurie de ressources, entre des « privilégiés », et des « opprimés ». Le Pacs est l’un des plus beaux exemples de cette idéologie. Plutôt que d’ouvrir simplement les droits du mariage aux homosexuels, ce qui aurait du même coup supprimé toute notion de « victimes », la création du Pacs a permis de conserver les inégalités nécessaires à entretenir les insatisfactions qui sont le moteur des revendications. Ce n’est pas par hasard si nombre de militants de HES sont farouchement contre l’égalité républicaine face au mariage. Faute de victimes, plus de clients. Le moteur de la gauche étant par définition l’inégalité, on comprend mieux dès lors pourquoi, en plusieurs années de règne Jospin, et malgré l’agitation de HES (association Homosexualité et Socialisme) rien n’ait été fait.
En rétablissant l’égalité républicaine, et en rappelant la nécessité de neutralité de l’état face à la vie privée des citoyens, l’approche de GayLib est toute différente : pas question de se poser en victimes. Nous sommes des citoyens comme les autres, ni plus, ni moins, et réclamons simplement, mais fermement ce qui nous est dû, sans pour autant oublier les devoirs de tout français.
Pas question de chercher des coupables, mais plutôt, d’expliquer paisiblement à nos concitoyens que des traditions arriérées n’ont plus leur place dans une société moderne. Les manifestations d’homophobie ne sont pas plus tolérable que les autres formes de racisme, d’anticléricalisme ou de misogynie. L’égalité ne se découpe pas en rondelles, et doit s’exercer de manière identique pour tous les citoyens. La discrimination, qu’elle s’exerce sous forme de statuts spéciaux tels que le Pacs, ou plus pernicieusement par le refus d’accès au droit commun tel que le mariage, est indigne du pacte républicain.
Le but de GayLib n’est donc pas de nous pleurnicher ou revendiquer, mais simplement de créer les conditions d’une citoyenneté apaisée, dans un état moderne. Contrairement aux filiales de la gauche, notre but n’est pas d’entretenir une surenchère permanente sur des sujets marginaux, mais de réfléchir sereinement aux méthodes et stratégies qui permettront le plus rapidement possible, et dans la paix républicaine, à ce que les homosexuels puissent exercer leur citoyenneté à l’égal des autres français.
On ne doit cependant pas confondre calme et faiblesse. Notre détermination restera entière, tant que subsisteront des pratiques et conceptions d’un autre âge, ou d’indécentes instrumentalisations, de la part de certains partis.
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