“PMA & filiation : où en est la loi ?” interview de Catherine Clavin

“PMA & filiation : où en est la loi ?” interview de Catherine Clavin

« Il est plus que temps de reprendre les débats ! » Gaylib interroge cette semaine Catherine Clavin, co-présidente de l’APGL (l’Association des Parents et futurs parents Gay et Lesbiens) et avocate au barreau de Marseille, spécialiste en droit de la Famille et plus spécifiquement en droit de la filiation. Au sein de membre de la commission juridique de l’association elle œuvre également très activement pour la reconnaissance juridique des familles homoparentales. 

Selon toi, quand dans l’Histoire, et comment observe-t-on la volonté de faire famille par les personnes LGBT ?

La volonté de faire famille est inhérente, ou non d’ailleurs, à chaque personne, peu importe son orientation sexuelle et/ou son identité de genre. Mais l’accès à la parentalité est plus complexe. Ce n’est pas tant à mon sens la volonté de faire famille qui a toujours existé mais plutôt la question de la protection et de la visibilité de ces familles. Les premières études scientifiques sur la famille homoparentale datent des années 1970. Mais les techniques de médecine reproductive accessibles à partir des années 1980 ont véritablement bouleversé la conception des familles et permis aux couples en incapacité de procréer classiquement de commencer à s’afficher en tant que familles et les familles homoparentales notamment de se montrer avec moins de complexes.  

L’APGL a été créée en 1986, il y a donc 35 ans et elle est à l’origine du mot « homoparentalité » (dont l’auteur est Martine GROSS). Elle visibilise auprès du public et des institutions les familles composées de parents de même sexe depuis sa création. Le pacs en 1999 qui a entendu protéger les couples de même sexe, est également un nouveau tournant car il ignore cependant totalement les familles homoparentales. C’est à partir des années 2000 que celles-ci revendiquent en justice une véritable protection, à défaut d’intervention du législateur. 

La loi « mariage pour tous » de 2013 et l’accès à l’adoption pour les couples de même sexe marquent la volonté de les protéger enfin juridiquement. Elle constitue également et pour le coup un encouragement à leur formation.  De fait les familles homoparentales s’affichent davantage depuis et les couples hésitent beaucoup moins à réaliser leur désir de famille.

Avec GayLib, le Planning Familial, Bamp, l’APGL a porté la filiation des enfants nés par PMA par extension du droit commun, peux-tu nous expliquer ce que c’est, et pourquoi avoir défendu ce mode de filiation (et pas la RCA) ?

La révision de la loi bioéthique entamée il y a plus de 2 ans maintenant prévoit que l’accès à la procréation médicalement assistée en France, jusque là réservé aux couples hétérosexuels ayant des difficultés de fertilité, soit étendu à toutes les femmes sans condition médicale. 

Jusqu’à présent, le couple hétérosexuel qui s’engageait dans une PMA avec tiers donneur, voyait le lien de filiation établi entre le père et l’enfant, comme en droit commun, par la reconnaissance ante ou post natale ou par la présomption de paternité si le couple était marié. La seule particularité était que le couple consentait au don et par ce consentement, le père d’intention s’engageait à sa paternité, signifiant qu’on pourrait l’y contraindre et/ou qu’à tout le moins sa responsabilité serait engagée s’il n’entendait finalement plus reconnaitre l’enfant.

Considérant que ce dispositif permettait aux parents de ne pas révéler à leur enfant leur mode de conception et partant du principe que cette « omission mensongère » était systématiquement entretenue par les parents recourant à la PMA, les parlementaires envisagent de créer un mode d’établissement de la filiation spécifique à l’enfant né de PMA mais réservé … aux couples de femmes : la reconnaissance commune anticipée (RCA).

Il s’agirait pour un couple de femmes, souhaitant s’engager dans une PMA en France, de consentir ensemble devant notaire au fait qu’elles entendent ensemble mener leur projet parental et qu’à la naissance de l’enfant, celle qui ne soit pas la femme qui accouche, soit également considérée comme la mère légale de l’enfant.

«Il est plus que temps de reprendre les débats!» Gaylib interroge Catherine Clavin, co-présidente de l’ APGL, Association des Parents et Futurs Parents Gays et Lesbiens et avocate au barreau de Marseille

S’il s’agit incontestablement d’une évolution favorable au lien entre la mère d’intention et l’enfant puisqu’il ne sera plus nécessaire d’entreprendre une procédure en adoption plénière de l’enfant du conjoint couteuse, parfois longue et aléatoire ; ce nouveau mode d’établissement de la filiation interroge par sa finalité et dans ses conséquences.

Le mode d’établissement de la filiation est une des mentions impératives de l’acte de naissance et mentionner un mode spécifique réservé aux enfants nés grâce à une technique de médecine reproductive permet au tiers lecteur de l’acte de connaitre le mode de conception de l’enfant.

S’agissant d’une information relevant de l’intime, elle ne saurait être portée à la connaissance des tiers sans le consentement de la personne qu’elle concerne, sauf à porter une atteinte certaine au respect de sa vie privée.

Ce que revendique le collectif d’associations que tu cites : le collectif PMA, est de voir la filiation d’intention de l’enfant conçu grâce à une PMA établie comme dans le dispositif actuel pour les couples hétérosexuels, par la reconnaissance ou par la présomption en cas de mariage, avec un engagement avant la naissance à l’établissement de cette filiation par le parent d’intention.

Il est par ailleurs totalement incompréhensible que la filiation de l’enfant ne s’établisse pas de la même manière selon qu’il est issu d’une PMA accomplie par un couple de même sexe ou par un couple de sexe différent !

Enfin, le dispositif envisagé par les parlementaires, la RCA, suppose que la filiation dite d’intention, à l’égard de la femme qui n’a pas accouché, dépende du bon vouloir de celle qui accouche puisque la reconnaissance devra s’effectuer avant la naissance par les deux femmes. La future maman d’intention ne pourra en aucun cas établir seule la filiation de l’enfant à naitre du projet parental commun. Ce qui là encore caractérise un régime totalement dérogatoire du droit commun.

Si véritablement le soucis qui a motivé les parlementaires à un tel dispositif, était de permettre à l’enfant de connaitre ses origines indépendamment de la volonté de ses parents, il n’était pas particulièrement compliqué de prévoir un régime d’information de l’enfant respectueux de sa vie privée, c’est-à-dire qui ne s’étende pas aux tiers. Mais la volonté politique est manifestement ailleurs puisqu’il n’a même pas été réfléchi à la question malgré nos nombreuses demandes sur le sujet.

Avec la RCA l’enfant pourra-t-il porter les deux noms de famille (mère biologique et mère sociale) ?

OUI ! A la naissance de l’enfant, les parents effectuent une déclaration du choix du nom et la remette à l’officier d’état civil avec la RCA et la déclaration de naissance.

Le nom choisi peut être celui des deux parents dans l’ordre choisi par les parents et dans la limite d’un nom de famille pour chacun d’eux.  

Est-ce que l’on peut faire dès maintenant une RCA chez le notaire

NON ! Il conviendra d’attendre l’entrée en vigueur de la loi.

Concrètement que doit-on faire pour les enfants qui vont naitre au premier semestre 2021 d’une PMA réalisée à l’étranger ?

Ne pas attendre ! Etablir et protéger le lien de filiation entre l’enfant et la mère d’intention par une procédure en adoption plénière de l’enfant du conjoint mais cela suppose que le couple parental soit marié. Car nous ignorons encore quand les débats parlementaires prendront fin et quand la loi sera véritablement promulguée… et si elle le sera.

Cette loi devient une véritable arlésienne. Il avait pourtant été annoncé une promulgation à l’été 2021. Mais force est de constater qu’elle n’est toujours pas à l’heure où nous parlons, au calendrier parlementaire pour une 3ème lecture!

Il est plus que temps de reprendre les débats !

Les familles déjà fortement marquées et interrompues du fait de la situation sanitaire dans leurs projets parentaux ont besoin de perspectives, d’espoirs et d’être protégées.

Pour aller plus loin :

L’Association des Parents et futurs parents Gays et Lesbiens www.apgl.fr

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