Après trois semaines de travail en commission spéciale, le
projet de loi de bioéthique a été sensiblement amélioré par rapport au
texte initial. Nos associations tiennent à saluer le travail des
député-es, et en particulier des rapporteur-es, qui ont oeuvré dans ce
sens. Néanmoins, plusieurs sujets particulièrement importants sont
toujours absents du texte, notamment à cause de l’opposition du
gouvernement. Nous appelons donc les parlementaires et le gouvernement à
enrichir ce texte.
Notre première préoccupation concerne la filiation des couples lesbiens ayant recours à l’AMP. Nous
ne comprenons pas pourquoi le gouvernement s’obstine à refuser aux
couples de femmes l’accès au droit commun de la filiation qui encadre
déjà les PMA avec tiers donneur. Comme l’ont montré les auditions des
avocat.e.s et juristes spécialistes en droit de la famille, ce cadre
spécifique a fait ses preuves : depuis 1994 il permet de protéger la
double filiation dès la grossesse et n’a jamais été pris en défaut. Il
est parfaitement applicable aux couples de femmes, sans modifier
d’aucune sorte les droits et procédures des couples hétérosexuels. Dès
lors, pourquoi créer une procédure spécifique aux couples de femmes,
sauf à vouloir résolument et absolument les distinguer pour en faire une
catégorie à part de la population ? Et comment justifier cette
toute nouvelle interdiction aux femmes en couple avec une
femme d’établir leur filiation par accouchement comme les femmes en
couple hétérosexuel ou les femmes célibataires ? Nous demandons
aussi à ce que soit ouverte la possession d’état, pour que les couples
séparés avant qu’une adoption de l’enfant du conjoint n’ai pu être
prononcée puissent enfin établir leur filiation à l’égard des deux
mères.
Nous dénonçons ensuite l’interdiction faites aux hommes
trans’ de fonder une famille via une procréation médicalement assistée,
alors même que nombre d’entre eux sont en capacité de porter un enfant.
Depuis 2016 et la loi « Justice du XXIe siècle », les personnes
trans’ n’ont heureusement plus à subir une opération de stérilisation
pour changer la mention de leur sexe à l’état civil : tirons-en toutes
les conséquences et ouvrons-leur la PMA. Rappelons que les hommes
trans’ en couple hétérosexuel avec une femme cisgenre accèdent à la PMA
depuis les années 80. Rappelons aussi que ces mêmes hommes trans’, s’ils
renoncent à changer la mention de leur sexe à l’état civil, auront
accès à la PMA au regard de la loi. En refusant d’ouvrir l’AMP à toutes
les personnes en capacité de porter un enfant et en refusant
d’adapter le droit de la filiation, la loi risque donc de consacrer une
double différence de traitement, en raison du sexe à l’état civil,
et en raison de l’orientation sexuelle !
Nous sommes également inquièt.e.s des difficultés d’accès à une procréation médicalement assistée de qualité en France.
Disparité dans l’accès, disparité dans les pratiques suivant les
centres et taux de réussite insatisfaisants comparés à ceux de nos
voisins. Nous demandons à ce que l’accès à la PMA soit facilité, en
restant dans le cadre des établissements publics ou des
établissements privés à but non lucratif, grâce à un véritable plan de
prévention de la fertilité, doté des moyens nécessaires. Pour cela, il
est aussi impératif de ne pas détruire les stocks existants de
gamètes et de rendre véritablement possible l’auto-conservation des
ovocytes dès 18 ans.
Concernant le droit d’accès aux origines, nous nous félicitons de la
possibilité donnée aux futurs adultes nés grâce à un don d’accéder à des
informations non identifiantes sur la santé ou la consanguinité, ainsi
que l’identité du donneur ou de la donneuse. En revanche, plusieurs
mesures indispensables manquent encore : recueil et suivi des
antécédents médicaux du donneur, possibilité et moyens pour la
commission d’accéder aux dossiers des donneurs et de les contacter si
les personnes nées avant la loi souhaitent accéder à ces informations.
Une telle procédure, tout comme la mise en place d’un outil sécurisé de
mise en relation progressive entre les donneurs et les personnes
issues de leur don, permettront de mieux protéger les donneurs, dont
l’anonymat est remis en cause par l’utilisation de test ADN réalisés à
l’étranger
Par ailleurs, nous ne pouvons accepter la fin de
non-recevoir qu’a opposée Madame la Ministre de la Santé à propos
de l’interdiction des opérations non consenties sur les enfants
intersexes. La protection de l’intégrité physique de ces
enfants rentre pleinement dans l’objet de la loi de bioéthique, dont
l’objectif est précisément d’encadrer les actes médicaux sur le corps
humain. Si nous partageons la nécessité d’une mission d’information sur
ce sujet, il faut dans le même temps poser un moratoire sur ces
opérations pour faire cesser immédiatement ces mutilations.
Soucieuses de faire avancer le projet de loi vers plus d’égalité
et d’efficacité ; attentives à rassurer sur les blocages actuellement
rencontrés, nos associations demandent donc à être reçues dans les
meilleurs délais par Madame la Ministre de la Justice et la Direction
des Affaires Civiles et du Sceau, ainsi que par Madame la Ministre de
la Santé et la Direction Générale de la Santé.
Associations signataires de ce communiqué :
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