« (…) Je ne veux pas qu’on montre du doigt ceux qui vivent cette réalité (ndlr: l’homoparentalité). Il y a une façon d’ouvrir les choses, avec le statut du beau-parent. Et pour le coup, cela va au delà des familles homosexuelles, puisque cela concernerait toutes les familles recomposées. Je suis moi-même beau-père, je connais cette situation. »
« (…)Le statut du beau-parent est une réponse bien plus adaptée que l’adoption simple (ndlr: proposé par François Bayrou). On peut très bien nourrir, enrichir le statut du beau-parent en disant notamment qu’en cas de décès du parent biologique, le beau-parent a des droits particuliers et des devoirs à l’égard de l’enfant. Cela pourrait concerner notamment un droit de garde, en tenant compte bien sur des droits de la famille du parent décédé. On n’a pas besoin de la fiction de l’adoption pour cela. »
Nicolas Sarkozy, Têtu d’avril 2007
Nicolas Sarkozy et GayLib proposent le statut de beau-parent
1. LA POSITION ACTUELLE DU BEAU-PARENT DANS LA FAMILLE FRANÇAISE
1.1. Le silence de la loi sur les rapports enfant/beau-parent
Dans les textes de loi relatifs au PACS et au concubinage, jamais n’est abordé le sujet des dispositions relatives aux enfants qui évoluent au sein des couples vivant sous ces deux régimes. Il n’est en conséquence pas fait non plus état des éventuelles relations entre ces enfants et leur « beau-parent de PACS ou de concubinage ».
Le mariage n’échappe pas au silence concernant ces rapports, et ne reconnaît pas non plus de statut particulier pour le beau-parent, hormis dans l’adoption. Le Code Civil permet en effet à une personne d’adopter l’enfant de son conjoint et de partager l’autorité parentale avec celui-ci, si aucun autre parent n’a d’autorité sur cet enfant. C’est la seule disposition dans la loi française reconnaissant au beau-parent un lien particulier avec les enfants de son foyer.
Dans tous les autres cas, le beau-parent, qu’il soit marié, pacsé, ou vive en concubinage avec son partenaire, n’est considéré aux yeux de la loi que comme un tiers « quelconque ». N’ayant pas de lien de parenté avec l’enfant de son partenaire de vie, il ne peut légalement pas demander à prendre part à certaines décisions et actions ayant trait à cet enfant.
1.2. Les problèmes engendrés par ce silence
Cette situation engendre de nombreux problèmes, allant de simples désagréments à des situations critiques. Dans la gestion de la vie quotidienne, l’absence de reconnaissance vis-à-vis de l’enfant du beau-parent complique de nombreuses situations. L’enfant ne peut être, en théorie, confié au beau-parent à la sortie de l’école, et ce dernier, en cas de maladie de l’enfant, n’a pas autorité pour décider des démarches à suivre. Ces situations se règlent généralement par bon sens, mais il peut être dangereux de les laisser sans base légale. En cas de problème, un parent pourrait très facilement se retourner contre le beau-parent de son enfant. La questions fiscale pose, elle aussi, problème, au travers des dons principalement. Un beau-parent ne peut dans le cadre d’un mariage faire de don à l’enfant de son partenaire (le code civil considérant cela comme un avantage déguisé pour le parent). Dans un PACS, ce don sera soumis à une taxation de 60%.
La séparation du couple reste le cas le plus problématique et le plus fréquent. Une personne ayant élevé l’enfant de son partenaire ne peut, sans des démarches complexes et rarement fructueuses, obtenir le droit de rester en contact avec cet enfant. De nombreux beaux-parents ont acquis au fil des années une place de première importance dans le développement des enfants avec lesquels ils ont vécu. Or, une séparation difficile du couple peut entraîner rupture violente des relations entre le beau-parent et l’enfant, et remettre en cause l’équilibre de ce dernier.
À cela viennent s’ajouter les situations où un décès intervient dans le couple. S’il s’agit du beau-parent, se posent notamment des problèmes de succession vis-à-vis de l’enfant de son partenaire. S’il s’agit du parent de l’enfant, c’est la garde de celui-ci qui sera source de difficulté. La désignation de la personne à qui serait confiée l’enfant dans le testament du défunt peut en théorie permettre à son partenaire de devenir le parent social de l’enfant s’il ne reste plus d’autre parent légal, mais une simple opposition du conseil de famille suffit à casser cette disposition.
2. LA DELEGATION VOLONTAIRE D’AUTORITE PARENTALE
Le ou les parents d’un enfant peuvent saisir le juge des affaires familiales pour procéder à une délégation d’autorité parentale, « lorsque les circonstances l’exigent ». Cette délégation se fait au bénéfice d’un tiers, et peut être soit partielle, soit totale, sans être toutefois définitive. Cette démarche est possible quel que soit l’âge du mineur, sans que celui-ci ne soit nécessairement confié au tiers délégataire. Les parents pourront ainsi continuer à élever leur enfant normalement, tout en bénéficiant de l’aide du délégataire de l’autorité parentale.
La délivrance de la délégation d’autorité parentale est soumise à l’appréciation du juge des affaires familiales, prenant en compte : « la pratique antérieurement suivie, les sentiments de l’enfant, la capacité des parties à respecter les droits de l’autre, et les renseignements recueillis lors d’une enquête sociale ». Toutefois, pour qu’il y ait un partage de tout ou partie de l’autorité parentale d’un ou des parents avec le tiers délégataire pour « les besoins d’éducation de l’enfant », les parents doivent y consentir.
C’est ce cas précis qui nous intéresse, et qui peut théoriquement permettre au beau-parent d’être légalement reconnu dans ses liens avec l’enfant, et de participer légitimement à son éducation, sans que l’autorité des parents légitimes ne soient en aucun cas remise en question. Théoriquement, car les démarches nécessaires pour obtenir une telle délégation sont longues et difficiles. L’accord des parents concernant les modalités de partage de l’autorité parentale avec un tiers peut, dans certains cas, poser problème : un parent peut facilement s’opposer au partage de l’autorité parentale entre l’autre parent et son partenaire. Les attributions de cette délégation sont de plus, assez floues, et restent à l’appréciation du juge, aussi conviendrait-il d’en préciser dans une certaine mesure la portée, ne serait-ce que par souci du respect de l’autorité de l’autre parent. Dans le cas des couples homosexuels, la délégation d’autorité parentale est accordée dans des cas relativement rares.
3. LE BEAU-PARENT : UN ELEMENT CONSTITUTIF DE LA CELLULE FAMILIALE
En préambule, il convient de rappeler que dans le cadre des familles recomposées quel que soit leur statut, le simple fait de partager, de façon régulière et continue, un lieu de vie avec l’enfant de son partenaire confère au nouvel époux, partenaire ou concubin, la qualité de beau-parent.
Cette qualification communément acceptée de tous dans le souci de hiérarchiser les relations entre adultes et enfants n’a pourtant aucune légalité dans notre Droit.
Pourtant, la gestion de la vie quotidienne et certains organismes sociaux comme les caisses d’allocations familiales reconnaissent de fait l’existence de cet élément constitutif de la cellule familiale recomposée dont la légitimité vis-à-vis de l’enfant n’est à ce jour pas légalisée.
3.1. La délégation d’autorité parentale, reflet de l’engagement vis-à-vis de l’enfant
La loi du 8 janvier 1993 modifiant l’article 377 du Code Civil, laisse au juge l’appréciation du rôle de beau-parent en qualité de tiers acteur dans l’éducation de l’enfant. Cette reconnaissance de l’existence factuelle du beau-parent et de son importance dans les relations développées au sein de la famille sans pour autant lui conférer le caractère de filiation a pu paraître en 1993 comme une première pierre à l’édification d’un statut légal du beau-parent .
En réalité, il n’en est rien, le primat de l’intérêt de l’enfant occultant le désir ou non de l’exercice par le beau-parent d’un rôle de parent de substitution.
En effet, dans l’hypothèse où, l’enfant n’a été reconnu que par un seul de ses parents, le beau-parent souhaitant assumer le rôle de parent et donc exercer l’autorité parentale, sera contraint d’opter pour la solution de l’adoption. Cette hypothèse aujourd’hui ne peut être réalisée que dans un contexte de couple hétérosexuel marié.
L’adoption plénière engendrant la filiation : le problème est résolu par substitution de qualité de parent.
En revanche, et dans l’hypothèse où l’enfant a été reconnu par ses deux parents, l’autorité parentale leur étant dévolue de plein droit, le beau-parent n’a d’autre solution que de solliciter la délégation d’autorité parentale.
Outre le fait que cette mesure peut bénéficier à tout tiers et par conséquent au partenaire d’un pacs ou un concubin donc sans qu’il soit exigé que le tiers soit de sexe différent du parent, elle a pour intérêt de reconnaître l’engagement du tiers dans l’éducation de l’enfant en faisant abstraction des corollaires de la filiation à savoir les questions de transmission du patrimoine (cf. supra l’organisation de la vie quotidienne) et de la position du beau-parent en cas de séparation.
C’est ce cas précisément qui nous importe. En effet, la délégation d’autorité parentale étant accordée suivant l’appréciation du juge, et ce dans l’esprit de la loi afin de veiller à l’intérêt de l’enfant, ne conviendrait-il pas, dès demande de cette délégation, que le beau-parent exprime son engagement de responsabilité vis-à-vis de cet enfant et notamment ses intentions en cas de séparation de son partenaire-parent.
Cette démarche serait d’autant plus souhaitable que la demande de délégation d’autorité parentale est souvent exprimée lorsque le beau-parent s’est déjà investi dans la gestion de la vie quotidienne et familiale.
4. NOTRE PROPOSITION DE STATUT DU BEAU PARENT
Il vise le statut du conjoint du père ou de la mère homosexuel ou hétérosexuel d’un enfant qui a deux filiations. Le cas d’un enfant disposant d’une seule filiation devrait relever, de notre point de vue, de la problématique de l’adoption.
GayLib a proposé en 2004 d’assouplir les conditions de la délégation/partage d’autorité parentale en permettant que celle-ci puisse s’opérer par voie conventionnelle et non plus seulement par voie judiciaire. C’est avec une certaine satisfaction que l’on a pu constater que cette proposition que nous avons énoncée en 2004 avait fait son chemin et figure dans le rapport 2006 du Défenseur des enfants avec une variante que constitue l’homologation de la convention par le juge ; variante à laquelle nous souscrivons volontiers.
Pour le Défenseur des enfants, « il paraît important de faire du partage de l’exercice de l’autorité parentale un dispositif propre et de le rendre plus souple, en instituant la possibilité de le réaliser par convention homologuée 4 par le juge aux affaires familiales garantissant le contrôle de la situation et notamment l’intérêt de l’enfant et le consentement des différents intéressés. L’étendue du partage serait adaptée en fonction de l’exercice unilatéral ou conjoint de l’autorité parentale, le père ou la mère ne pouvant partager avec un tiers que dans la limite de ses pouvoirs.
• En cas d’exercice conjoint de l’autorité parentale, le tiers pourrait ainsi réaliser les actes usuels, les actes graves nécessitant l’accord des deux parents. En cas d’opposition du parent, titulaire de l’exercice de l’autorité parentale, mais qui ne vit pas avec l’enfant, le juge aux affaires familiales pourrait être utilement saisi afin de trancher le conflit.
• En cas d’exercice unilatéral de l’autorité parentale 5, le parent pourrait partager avec le tiers le pouvoir de faire tout acte relatif à la personne de l’enfant, dans le respect des droits qui restent à l’autre parent qui n’exerce pas l’autorité parentale 6.
Le texte pourrait par ailleurs formuler plus clairement les effets d’un tel partage, à savoir que le parent qui partage avec un tiers conserve l’exercice de l’autorité parentale.
L’autre parent (par exemple celui qui ne vit pas avec l’enfant) conserverait de son côté l’exercice de l’autorité parentale.
La convention de partage prendrait fin par la volonté des parties, par déclaration au greffe ou sur décision du juge aux affaires familiales, à la demande d’un parent, du tiers, ou du ministère public. »
Nous souhaitons également le maintien des liens entre l’enfant et le tiers en cas de séparation du couple ou en cas de décès du parent légal.
Pour les cas de séparation, l’article 371-4 du Code civil pourrait être complété d’un alinea semblable à celui protégeant les relations de l’enfant avec ses ascendants.
En cas de décès, deux cas :
– il reste un parent légal : la délégation/partage d’autorité parentale survit au décès du conjoint du beau-parent, et se transforme en tutelle
– l’enfant n’a plus de parent légal : la situation de l’enfant devra de toute façon être examinée par un juge, qui devra tenir compte de ce contrat dans ses décisions concernant l’avenir familial de l’enfant.
-> Concernant les aspects successoraux et patrimoniaux
Aujourd’hui, sur ces aspects, le beau-parent est considéré comme un étranger vis-à-vis de l’enfant et ne peut léguer ses biens à celui-ci qu’à des conditions prohibitives.
Dans notre proposition, seule la quotité disponible serait accessible, la part réservataire étant hors d’atteinte. Trois possibilités sont avancées :
– ajouter un degré dans le droit des successions qui serait réservé aux beaux parents,
– appliquer au beau-parent le même niveau fiscal qu’aux grands parents,
– accroître le niveau de l’abattement pour tout tiers : c’est-à-dire définir un montant que chaque citoyen pourrait transmettre à la personne de son choix,
Dans les deux premiers cas, seuls les enfants et le beau-parent signataires d’une convention de délégation/partage d’autorité parentale pourraient bénéficier de ces dispositions, et ce pour limiter tout effet d’opportunité.
Un beau-parent qui ne s’engage pas concrètement et juridiquement dans la vie de l’enfant ne pourrait pas bénéficier, logiquement, de cet avantage fiscal.
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